Publicité en ligne : Google reconnu coupable de monopole illégal
En moins d'un an, deux juges fédéraux américains ont reconnu Google coupable de pratiques monopolistiques dans des secteurs la publicité en ligne et la recherche web. La question de son démantèlement est posée.

Un coup de tonnerre dans le ciel de Mountain View ! Google a été reconnu coupable, ce 17 avril, d'avoir abusé de sa position dominante sur le marché de la publicité en ligne. Moins d'un an aura suffi pour que deux juges fédéraux statuent, coup sur coup, pour considérer qu'il s'agit bien d'un monopole illégal.
Dans sa décision de 115 pages, la juge fédérale Leonie Brinkema a estimé que Google avait violé la législation antitrust américaine sur deux marchés critiques de la publicité en ligne : les échanges publicitaires (Ad Exchanges) et les serveurs publicitaires (Ad Servers), des outils utilisés par les sites web pour vendre de l'espace publicitaire. En revanche, elle a jugé que le gouvernement n'avait pas prouvé l'existence d'un monopole sur un troisième segment, celui des outils utilisés par les annonceurs pour acheter des publicités en ligne.
Des années de pratiques anticoncurrentielles
La juge Brinkema souligne que cette situation a duré pendant plus de dix ans contraignant les éditeurs de sites à utiliser ses outils, les privant d'alternatives concurrentielles et limitant l'innovation. Une situation qui découle en grande partie de l'intégration verticale du groupe : Google contrôle à la fois les outils utilisés par les éditeurs pour vendre des espaces publicitaires et ceux utilisés par les annonceurs pour les acheter. C'est cette double position qui lui permet de capter une large part des transactions publicitaires et de créer un effet de réseau : plus d'éditeurs attirent plus d'annonceurs, et plus d'annonceurs incitent davantage d'éditeurs à utiliser ses services, renforçant ainsi continuellement sa domination.
« Google est un monopole et a abusé de son pouvoir », a déclaré Abigail Slater, procureure adjointe au sein de la division antitrust du département de la Justice.
D'après Bloomberg, le DOJ pourrait désormais pousser pour des changements structurels majeurs dans l'activité publicitaire de Google, y compris la cession de sa plateforme d'échange publicitaire AdX ainsi que d'autres outils clés comme le serveur publicitaire DFP (DoubleClick for Publishers). Des outils sont au coeur du modèle économique de Google.
DoubleClick et Admeld, pas illégaux mais problématiques
Le DOJ avait initialement fondé une partie de son dossier sur les acquisitions passées de Google, notamment DoubleClick (en 2007) et Admeld (en 2011). Si la juge n'a pas considéré ces rachats comme anticompetitifs en eux-mêmes, elle a souligné qu'ils avaient contribué à renforcer la position dominante de Google.
Google a d'ores et déjà annoncé son intention de faire appel du jugement estimant que les éditeurs « choisissent ses outils pour leur efficacité et leur coût avantageux », selon Lee-Anne Mulholland, vice-présidente des affaires réglementaires.
Ce jugement intervient alors qu'une autre procédure antitrust, distincte mais parallèle, s'apprête à reprendre lundi prochain à Washington. Dans cette affaire, le juge Amit Mehta doit déterminer les sanctions contre le monopole du marché de la recherche en ligne. Le ministère de la Justice (DOJ) veut des mesures correctives fortes : il demande que Google soit contraint de vendre son navigateur Chrome, une interdiction de conclure des accords d'exclusivité avec des partenaires comme Apple pour imposer son moteur de recherche par défaut, et une obligation de partager certaines données issues de son moteur de recherche avec des concurrents. Autant de mesures qui devraient rétablir une concurrence équitable sur le marché de la recherche en ligne.
L'universitaire Rebecca Allensworth (Vanderbilt University) souligne l'ampleur inédite de cette double reconnaissance de monopole auprès de Bloomberg : « Nous n'avons jamais vu deux affaires de démantèlement aussi importantes et menées séparément par deux juges différents. »
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